« Vous savez, je ne suis pas pressé de vendre… »

Qui n’a jamais rencontré dans son exercice de la profession d’agent immobilier, un vendeur qui assène d’un coup cette phrase sur un ton péremptoire :

« De toutes les façons, je ne suis pas pressé de vendre… »

A ce moment là, l’espace s’ouvre en deux, une lumière descend du ciel et un moment (gênant) de silence s’installe.

Comment il s’imagine à ce moment là:

Poker-5

Comment vous le voyez à ce moment là:

Poker-6

C’est en effet au Poker que cette phrase ramène. Son sous-texte, je ne braderai pas à n’importe quel prix, j’attends que la chasse aux pigeons réouvre et que l’on me propose plus que ce que j’ai dépensé pour ce bien que j’ai surpayé. Un négociateur avec qui j’aime bien échanger me comparait récemment ce jeu à celui du « mistigri », aussi connu dans certaines régions comme le jeu du « tas de merde »… On a une carte dont on doit se débarrasser, et on prie pour que le joueur voisin nous la prenne.

Alors qu’il pense s’engager dans une négociation serrée et tenir son budget, le vendeur qui vous tient ce discours, cette phrase toute faite, nous ramène à deux tristes réalités:

1. Nous ne sommes hélas pas magiciens, il y a un prix marché et souvent, il dicte la valeur définitive d’une vente.

2. Nous sommes tous pareils, à vouloir acheter pas cher, mais vendre au prix le plus élevé…

On avait listé il y a quelques semaines les pires phrases qu’un négociateur immobilier entend dans ses journées. En voilà une qui mériterait une bonne place dans ce top 10.

La durée de validité d’une expertise immobilière est plus ou moins de six mois. Passé ce délai, elle a besoin d’être revue.

J’aime bien l’explication claire et l’accent rigolo de ce monsieur: (cliquez sur l’image pour voir la vidéo)

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En effet, je n’ai jamais vu une maison prendre de la valeur avec le temps en restant sur le marché. C’est un argument peu entendable pour un vendeur, mais les acquéreurs qui cherchent à acheter une maison ou un appartement ne sont pas dupes. Quand personne ne veut d’un bien, c’est sans doute la meilleure façon de le décommercialiser, en ce sens que des quelques appels et quelques visites, on passera à quelques appels, puis à plus rien… Quand un bien en annonce ne déclenche pas d’appel, difficile d’imaginer le vendre. Quand il n’y a pas de visite, difficile d’imaginer quoi que ce soit en fait. Et pendant ce temps le bien est proposé à des gens qui l’écarteront presque mécaniquement. Il est là depuis longtemps, il y a anguille sous caillou.

Ainsi donc, de « je ne suis pas pressé », on en arrive à « ma maison ou mon appartement ne se vend pas ». Avec les historiques que l’on retrouve sur Internet, inutile de dire que certaines maisons peuvent devenir des blagues que l’on se fait entre négociateurs. L’appartement de Mr K…. que j’ai en portefeuille depuis 3 ans est de ce type. Mais il « n’est pas pressé de vendre ». Alors je l’ai retiré de la communication, les différents sites porteurs que sont Se Loger, Le Bon Coin ou les presque 800 autres dont je dispose ne sauraient vendre cet appartement qui est positionné 90.000€ au dessus de mon estimation de départ.

En fait, ce client n’est pas vendeur. Cette phrase, aujourd’hui, quand je l’entends, je prends la fuite. Je ne suis pas payé à la visite, et malheureusement, tant que certains clients ne comprendront pas que tout ne se vend pas (plus) à n’importe quel prix, alors ce type de situation durera. Ce qui me chagrine le plus dans tout ça, c’est que l’agent immobilier porte le chapeau et endosse le mauvais rôle à nouveau. N’oublions pas que nous sommes conseils et que nous ne fixons pas les prix… Ca serait trop simple.