Immobilier : le ministère « retrouve » 180.000 logements mis en chantier

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Le mode de calcul des statistiques mensuelles du nombre de permis de construire et de construction de logements vient de changer, avec au passage des corrections massives à la hausse.

Les statistiques mensuelles de permis de construire et de mises en chantier de logements publiées ce matin par le ministère vont faire des remous. C’est plus de 180.000 logements qui ont été rajoutés aux mises en chantier officielles des quatre dernières années, à la suite d’une réforme du mode de calcul du ministère entrée en vigueur à l’occasion de la parution ce jour des chiffres du mois de janvier.

Dans le détail, 1.500 mises en chantier ont été rajoutées aux chiffres officiels de 2011, plus de 52.000 à ceux de 2012, presque 70.000 à 2013 et 58.600 à 2014. Bilan : 180.000, sans compter, en 2010, une autre majoration de 69.000 mises en chantier. La crise de la construction serait donc moins grave qu’on l’avait cru. « Les niveaux sont revus à la hausse à partir de 2007. La reprise des mises en chantier après la crise de 2007-2008 est plus rapide (…) et la baisse entre 2011 et fin 2013 est moins prononcée », commente le ministère dans une plaquette explicative. En fait, il faut remonter à 2001 pour trouver une révision à la baisse des mises en chantier précédemment publiées, si l’on excepte la modeste correction de –1.200 logements effectuée sur 2008, année de la crise.

Un sujet technique… et politique

Les statistiques officielles passent donc, pour l’année dernière, de 298.000 mises en chantiers totales dont 266.500 logements neufs à 356.000 logements. Pour le ministère, il s’agit de « nouveaux indicateurs pour gagner en fiabilité ». Mais l’ampleur de ce chantier de correction, qui corrige au total toute la période 2000-2014, ne va pas manquer de susciter des réactions quand ce sujet, plutôt technique, mais aussi politique, aura été décanté.

« J’aimerais qu’on m’explique comment il se fait que pour 2011 [sous Nicolas Sarkozy, NDLR], les statistiques ont été corrigées à la hausse de seulement 1.500 logements alors qu’on a rajouté 180.000 logements à partir de 2012, une fois la gauche au pouvoir ? », réagit, en première analyse, Benoist Apparu, député UMP et ex-ministre du Logement. La question, dans le monde politique, va maintenant être de savoir de combien il faut corriger/majorer l’objectif de François Hollande, qui visait, dans sa campagne électorale, 500.000 logements mis en chantier par an.

Logements fantômes

Les professionnels, à qui le ministère a présenté jeudi matin ses nouveaux indicateurs montrant que la crise de leur secteur n’était pas aussi prononcée que ce qu’on croyait, réagissent plutôt favorablement. La Fédération française du bâtiment (FFB) a publié dès vendredi matin un communiqué de soutien au ministère saluant « une cohérence restaurée ». Pour le président de l’Union des Maisons Françaises, Christian Louis-Victor, les nouveaux chiffres sont probablement plus fiables que les anciens car «si la chute d’activité des constructeurs de maisons individuelles avait été de l’ampleur qui ressortait des anciennes statistiques, on aurait eu plus de dépôts de bilan que ce que je vois en régions ». Du côté des promoteurs, on essaie de s’y retrouver. « En comptant les promoteurs, les constructeurs de maisons individuelles et les organismes HLM, en 2013 comme en 2014, le marché du logement neuf tournait autour de 300.000 ventes et agréments (pour les HLM) . Vu ce niveau de ventes, qui sont les maîtres d’ouvrages pour le restant des 356.000 mises en chantier de l’an dernier ? », s’interroge François Payelle, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

Une chose est sûre : ce n’est pas au niveau des ventes que la fiabilité des chiffres pourrait être questionnée, car « l’observatoire de la FPI, qui suit les ventes de la profession, donne des résultats cohérents avec l’enquête trimestrielle du ministère », souligne François Payelle. L’UMF aussi, souligne la fiabilité de son propre suivi des ventes. Et que l’administration se débrouille avec ses chiffres aval erronés.

Permis dans les limbes

Le ministère assure que les nouveaux indicateurs modifient peu le nombre de permis de construire. Leur collecte pose moins de problème que celles des mises en chantier, obligatoire mais qui a toujours été tardive et aléatoire. A partir de 2007 (année de la réforme du droit des sols), le problème s’est amplifié, explique le service statistique. Il s’est trouvé confronté à un stock grandissant de permis de construire « dans les limbes », qui avaient été octroyés mais dont on ignorait ce qu’ils étaient devenus, s’ils avaient été annulés ou mis en chantier. D’où ces nouveaux indicateurs.

Le suivi des mises en chantier ne se fait plus par recensement de données remontées, avec tous les délais et aléas que cela suppose, mais par calcul, sur la base du stock de permis et de paramètres conjoncturels (la conjoncture économique influe, par exemple sur le taux d’annulation des permis). Des enquêtes annuelles seront faites pour ajuster les résultats. Mais il n’y aura pas de vrai recensement, exhaustif, qui permettrait d’être certain de la réalité. Une véritable acrobatie, quand on sait que pour relancer le marché des logements neufs, la durée de validité des permis de construire vient d’être portée de deux ans à trois ans