Paris, marché atypique et laboratoire du logement

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Encadrement des loyers, hausse de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires… la ville de Paris expérimente des dispositifs qui font bondir les acteurs du marché de l’immobilier.

Sans vraiment le vouloir, la ville de Paris devient une sorte d’incubateur des nouvelles mesures adoptées dans le cadre de la politique du logement. Il y a par exemple fort à parier qu’elle sera la seule ville à appliquer la très polémique mesure sur l’encadrement des loyers – laquelle risque d’être supprimée si la droite reprend le pouvoir en 2017-, ainsi que la première à mettre en œuvre la non moins sulfureuse majoration de 20% de la taxe d’habitation adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2014.

Ces deux mesures ont suscité une levée de boucliers quasi unanime chez les acteurs de l’immobilier. Surtout celle sur l’encadrement des loyers, engagement de campagne numéro 22 du président de la République François Hollande.

Le faible impact de l’encadrement des loyers

Porté par l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot, l’encadrement des loyers a été adopté par les deux chambres du Parlement… mais il ne verra finalement le jour que dans la capitale, du fait du revirement du gouvernement qui a utilisé les décrets publiés après le vote de la loi pour en réduire le périmètre.

Pour mémoire, le dispositif prévoit que, à la signature d’un nouveau bail, le loyer d’un logement ne puisse ni excéder de 20% ni être inférieur au loyer médian fixé par le préfet et calculé auparavant par un observatoire local, en l’occurrence l’Olap. Celui-ci a découpé Paris en 80 quartiers et 14 zones, et affinera ensuite ses données par catégorie de logement.

Certes, Paris appliquera normalement la mesure dans les prochains mois, mais elle ne devrait avoir qu’un effet limité : environ 10% des loyers seront abaissés, alors que 10% – trop bas –  seront augmentés. Ceux qui vont le plus profiter de la baisse des loyers seront ceux qui louent les plus petites surfaces, dont les loyers au mètre carré sont les plus élevés, principalement des étudiants.

Une surtaxe pour réduire la pénurie de logements ?

L’encadrement des loyers aura donc finalement un impact très limité, malgré deux ans de débats nourris. En parallèle, le Conseil de Paris devrait adopter rapidement la mise en œuvre d’une autre mesure qui a provoqué l’indignation de certains professionnels du secteur : la surtaxe de 20% sur les résidences secondaires, sous certaines conditions. Paris clame depuis plusieurs mois son envie d’instaurer une telle mesure pour inciter les propriétaires à mettre leurs résidences en location. « Il est invraisemblable qu’il y ait à Paris intramuros des résidences occupées seulement une semaine par an, alors même que l’on souffre d’une telle pénurie de logements« , explique Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris chargé du Logement. Le nombre potentiel de résidences secondaires surtaxées est de 90.000. Celles-ci étant principalement concentrées dans les arrondissements du centre de la capitale.

Du reste, le taxe d’habitation est pour un logement type deux fois, voire trois fois inférieure dans la capitale comparée aux autres villes françaises, si l’on en croit le Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales. Une hausse devrait donc être intégrée sans difficulté par les ménages parisiens propriétaires d’une résidence secondaire. Et il y a fort à parier que, au final, il n’y ait pas davantage de logements mis sur le marché, mais plutôt davantage de recettes fiscales pour la municipalité, qui évalue d’ailleurs à une somme entre 20 et 25 millions d’euros par an le montant supplémentaire qui sera collecté. De quoi alimenter le budget prévu pour accroître l’offre de logements sociaux indique-t-on du côté de l’Hôtel de Ville.

Un marché immobilier atypique

D’autres dispositifs sensibles, comme la transformation de bureaux en logements, la préemption d’appartements seuls ou l’incitation à la mise en location de logements vacants sont portés par la Ville de Paris.

Mais alors, comment arrive-t-elle à mettre en œuvre de telles mesures qui, si elles étaient imposées au niveau national, provoqueraient des levées de boucliers rédhibitoires ? S’il ne faut pas occulter la volonté politique du moment de mettre le paquet sur la politique du logement, les raisons sont surtout à trouver dans la structure du marché de l’immobilier parisien, très atypique : l’offre potentielle y est très limitée par rapport au nombre de ménages. Et, à l’inverse, la demande y est quasiment illimitée.

Résultat, les prix (8.230 euros du mètre carré en moyenne à fin 2014 selon Century 21) y sont deux à trois fois plus élevés que dans le reste des agglomérations de l’Hexagone. Dans l’impossibilité d’acheter, les ménages locataires y sont devenus majoritaires. A Paris, « le parc locatif atteint 727.865 logements soit 61,5% des résidences principales. Il est, en proportion, nettement plus important que le parc locatif de France métropolitaine (10.870.825 logements, soit 39,8% des résidences principales)« , explique l’Atelier parisien d’urbanisme. Les politiques visant à instaurer plus de justice en faveur des locataires sont donc davantage acceptées à Paris. Sans oublier que les inégalités patrimoniales y sont exacerbées…