Les ventes de logements sociaux ne décollent pas

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Faut-il mettre en vente les logements sociaux ?

Développer la propriété pour tous était une des priorités du quinquennat de Nicolas Sarkozy en 2007. Christine Boutin, alors ministre du logement, pensait que vendre ces HLM à leurs occupants permettait de les faire, sans risque, accéder à la propriété, tout en remplissant les caisses des organismes sociaux. Son objectif : céder chaque année 1 % du parc, soit 40 000 logements. Le compte n’y est pas puisqu’à peine 8 000 logements sociaux ont été vendus à des particuliers en 2013, dont seulement 36 % par les locataires occupant déjà les lieux, contre 60 % en 2005. Ces chiffres, issus du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), ont été publiés le 9 janvier par le site Internet Localtis, dédié aux collectivités locales.

La loi oblige en effet les bailleurs à proposer en priorité ces biens, avec une décote de 20 %, à leurs occupants puis, s’ils n’en veulent pas, à d’autres locataires du parc HLM (décote de 10 %, et 30 % des acheteurs, en 2013) et, en dernier recours, à un acquéreur extérieur (34 % des ventes).

Un nombre grandissant d’organismes HLM voient pourtant, dans ces cessions, un bon outil de gestion de leur patrimoine : en 2013, ils étaient ainsi 251 à proposer 86 600 logements, mais leur commercialisation à la découpe est très lente puisque, si leur occupant n’est pas intéressé,il faut attendre que les lieux se libèrent pour les mettre sur le marché. En cas de besoin, les ventes groupées entre institutionnels sont nettement plus rapides, même si elles se concluent à un prix unitaire moins intéressant.

Un accès au crédit difficile pour les occupants de ces logements

Les bailleurs sociaux avaient commencé, dans les années 2000, par proposer les biens les plus faciles à vendre à leurs occupants, des maisons qu’ils n’auraient, de toute façon, jamais quittées et qu’ils rêvaient d’acquérir. Mais cette niche s’est vite épuisée et ils ont essayé de placer leurs logements vacants, dans un marché par définition peu dynamique, sinon ils seraient occupés : c’est le cas, d’un programme de 500 maisons en Mayenne. Dans les zones tendues, comme Paris, où tout le monde souhaiterait acheter, le plus gros bailleur HLM de France, Paris Habitat, ne met rien en vente.

« Le ministère nous reproche d’être très loin de la proportion de 1 % du parc devant être vendu, mais la loi nous contraint, détaille Denis Landard, de l’Union sociale pour l’habitat : elle interdit de vendre un logement construit depuis moins de dix ans, ce qui élimine déjà un million de lots ; impossible, également, d’entamer le parc d’une commune qui, soumise à la loi Solidarité et renouvellement urbain, n’a pas encore atteint son quota de 25 % de logements sociaux, ce qui retire du marché un autre million de logements ; il nous faut aussi prendre mille précautions, notamment dans les Zones Urbaines Sensibles, pour ne pas mettre en danger les copropriétés ainsi créées… Le parc vendable se réduit donc à 800 000 logements, et, en en vendant 8 000 par an, nous sommes juste au 1 % que réclament les pouvoirs publics », estime Denis Landard.

« Peu de locataires achètent parce que, bien qu’ils aspirent à la propriété, ils n’en ont simplement pas les moyens, l’accès au crédit étant, en outre, pour ce public, très difficile », selon Laure Bourgoin, de l’association Consommation logement cadre de vie.

Plus-value

L’objectif, notamment affiché par les gouvernements de droite, de rendre propriétaire les locataires sociaux, – inspiré de Margaret Thatcher qui, dans les années 1980, avait liquidé la moitié du parc social anglais, soit 2,5 millions de logements, à leurs occupants – est oublié.

Les ventes conclues en France ont cependant permis de regonfler les fonds propres et la trésorerie d’organismes parfois en difficulté : au prix de vente moyen de 70 000 euros en régions et 130 000 euros en Ile-de-France, les organismes encaissent une plus-value d’en moyenne 65 000 euros par lot.

En 2011, ce marché leur a rapporté 722 millions d’euros, dont la moitié était le fruit de la vente à des particuliers, un apport supérieur à la dotation de l’Etat en aide à la pierre que perçoivent les organismes HLM. La vente de 8 000 logements, en 2012, a ainsi fourni les fonds propres pour bâtir 25 000 nouveaux logements sociaux.