Logements sociaux : Saint-Cloud plutôt dans les clous

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Avec 17% de HLM au 1er janvier 2014, la ville des Hauts-de-Seine est une bonne élève de la solidarité et du renouvellement urbain.

Quatre étages, des couleurs chaudes et de grands balcons : le «Clos Eugénie», une résidence inaugurée l’an dernier à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), suscite l’envie de certains habitants de la ville. «C’est propre», «la classe», «ils ont une jolie vue sur Paris», commentent les riverains. Ceux-là sont surpris d’apprendre que le petit immeuble où ils se verraient bien vivre est un HLM. Parmi les 38 appartements que compte le bâtiment, on trouve toute la gamme du logement social : des prêts locatifs à usage social (Plus), destinés aux revenus modestes, des prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI), réservés aux ménages les plus démunis, et des prêts locatifs sociaux (PLS), attribués aux classes moyennes trop «riches» pour prétendre aux HLM ordinaires, mais trop «pauvres» pour se loger dans le parc locatif privé.

Un mélange qui permet de garantir «une mixité sociale», souligne Eric Berdoati, le maire (UMP) de Saint-Cloud. L’élu estime que«le cliché du HLM avec uniquement des délinquants ou des gens issus de l’immigration n’a plus de sens. Aujourd’hui, on fait des logements de standing». «Je ne veux pas de quartiers ni de bâtiments qui se ghettoïsent», ajoute l’édile. Yves Laffoucrière, directeur général du plus gros bailleur social français, Immobilière 3F, renchérit :«Les barres des années 60 et les tours des années 70 ont vécu. Il faut éviter de connoter des quartiers.»

Mais l’évolution des mentalités prend du temps. Les HLM ne sont pas toujours les bienvenues pour le voisinage. Le permis de construire pour le Clos Eugénie a été délivré en 1996. «A cause de recours de riverains qui attaquaient le permis pour différents prétextes, il a fallu dix-huit ans de procédures !» raconte le maire. «Vu le standing de la ville, les voisins, dont certains vivent dans des pavillons huppés, ne voulaient pas de logements sociaux», assure un trentenaire résident du Clos Eugénie. Sa compagne et lui sont fonctionnaires, comme la plupart des habitants de l’immeuble. De son côté, l’association de défense du patrimoine Aimer vivre à Saint-Cloud critique la résidence parce qu’elle gâche le paysage. Eric Berdoati le reconnaît :«Electoralement, les HLM, ce n’est pas porteur.» Avec près de 17% de logements sociaux sur son territoire au 1er janvier 2014, Saint-Cloud, 30 000 habitants, fait figure de «bon élève» dans l’application de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) adoptée en 2000 (lire ci-contre). Entre 2002 et 2012, plus de 800 logements sociaux ont été construits à Saint-Cloud, commune de la proche banlieue parisienne où les contraintes foncières sont fortes. Très résidentielle et construite à flanc de colline, la commune est «aboutie», d’après Berdoati : «Cela signifie que nous n’avons pas de terrain non bâti.» Pour autant, l’édile explique qu’avec «un peu de volonté et de l’argent», il est possible d’atteindre les 20%.

«Valeur». De l’argent, il en faut pour convaincre les bailleurs sociaux d’investir dans une ville chère comme Saint-Cloud. «L’an dernier, on a versé 880 000 euros aux bailleurs pour payer la surcharge foncière et les pousser à acheter chez nous»,précise Berdoati. Yves Laffoucrière confirme que «dans les zones où les terrains sont chers, les municipalités consacrent beaucoup d’argent à la construction des logements sociaux».

Ces subventions des collectivités locales s’ajoutent aux financements de l’Etat que perçoivent les bailleurs. Si le prix d’achat des terrains dans les villes résidentielles implique un plus gros investissement financier pour les organismes de HLM, ces derniers ont en contrepartie l’assurance que de tels projets leur rapporteront, à terme, encore plus d’argent. «Dans trente ou quarante ans, quand on les vendra, ces logements auront pris de la valeur. On pourrait presque dire qu’on fait simplement des investissements de bon père de famille !» analyse le directeur général. Participer au financement des HLM revient bien plus cher à la ville de Saint-Cloud que le montant de la pénalité dont la commune aurait dû s’acquitter si les objectifs triennaux fixés par la loi SRU n’avaient pas été remplis. Mais Eric Berdoati affirme qu’il s’agit avant tout de «répondre à une situation de vie quotidienne. Dans notre ville, réputée riche, nous avons aussi des gens en grande difficulté et des salariés de la classe moyenne de plus en plus nombreux à devoir se loger en HLM».Il donne l’exemple de cette infirmière dans l’hôpital de la ville, «une mère célibataire qui, avant de se voir attribuer un appartement à Saint-Cloud, était obligée de rentrer chez elle à Trappes en transports en commun, même quand elle finissait à 2 heures du matin».

«Fric». S’il affirme que Saint-Cloud a besoin de logements sociaux, Eric Berdoati a pourtant décidé au 1er janvier d’en arrêter la construction : «On ne dépassera pas notre taux actuel de 17% tant que l’Etat continuera à prélever autant sur le budget de la commune au titre de la péréquation» entre villes riches et villes pauvres. Le montant de ces prélèvements dépend de la richesse moyenne des habitants. Trop riche, Saint-Cloud trouve qu’elle est trop ponctionnée. L’élu le regrette : «On n’a plus de fric. On ne dépensera plus un centime pour les logements sociaux.»