Depuis quelques temps, on entend un nouveau mot dans les conversations que l’on retrouve dans des articles à la valeur incertaine:
Uberisation,
Ici pour présenter un nouveau service.
Là pour dire…rien du tout.
Rien de nouveau sous le soleil, la terre tourne, le soleil brille et les nouvelles technologies font peur.
Par « Uberisation » on devrait entendre mise à disposition d’un système économique qui court-circuite les acteurs en place d’un système installé.
Ainsi, et sans polémiquer un instant, Uber Uberise les taxis, Airbnb Uberise les hôtels, Blablacar, start-up d’origine française Uberise la SNCF et les transports aériens.
Je n’ai pas particulièrement d’opinion sur le sujet. N’en déplaise aux confrères de Oui-Oui, lanceurs de pavés sur le périph’, et bagarreurs à 15 contre 1, le monde a toujours tourné ainsi, une évolution en chasse une autre et si il est vrai que le laps de temps entre deux innovations s’est considérablement amenuisé ces dernières années, on ne peut s’empêcher de penser, agents immobiliers que nous sommes, à l’évolution qui amène les mandataires à venir concurrencer les agences immobilières dites traditionnelles.
Uberisation de la profession immobilière avant l’heure?
Rappelons que Mr Cottet-Moine avait amorcé avec CAPIFRANCE cette mini révolution dès le début de ce siècle. Non pas que ce fut alors le seul, mais c’est celui qui transforma l’essai avec le plus de panache, même si c’est une autre histoire.
A la terminologie très racoleuse d’uberisation je préfère substituer le mot évolution.
Ma réflexion m’amène nécessairement à me projeter comme chacun sur l’évolution de notre métier.
A quand des individus lambdas, étudiants, chômeurs, retraités, qui, mandatés par une simple application sur Smartphone, auront la possibilité d’effectuer des visites, de recueillir des offres et pourquoi pas de le réaliser sur la base d’une somme forfaitaire hors charges et hors frais?
On a pas mal entendu le terme far-west ces derniers temps. Des inconnus qui débarquent chez vous au prétexte de faire visiter un appartement, voilà qui me semble être un peu le far-west. Peu importe l’éthique, peu importe le marché, peu importe la sécurité ou la fiscalité.
J’ai bien aimé cet article de Vinvin alias Cyrille de Lasteyrie:
A la longue liste des métiers mal aimés je rajoute le garagiste, l’agent immobilier, le taxi, mais aussi le plombier et pourquoi pas le dentiste. Tous ces métiers que le commun des mortels aimerait bien voir disparaître sans l’admettre. Parce que dans chacune de ces professions il y a des bons et des mauvais. Le bon et les méchants comme dirait Claude Lelouch. Celui qui fait son travail avec application et ceux qui ternissent la réputation de leurs confrères. Et comme souvent on prend les mauvais pour généraliser et faire un amalgame. Amalgame un autre mot que l’on entend beaucoup ces derniers temps.
C’est le début du racisme.
Mais, revenons en a nos moutons et à l’uberisation de l’immobilier.
Dans un scénario critique ou aucune profession ne saurait résister à cette vague d’applications déferlantes, qu’adviendrait il de l’immobilier?
Notez bien que je suis fondamentalement pour le progrès et l’évolution, mais qui va acheter un appartement sans y avoir préalablement mis les pieds? Exit donc la visite virtuelle comme seul moyen de visite. Si elle peut permettre de légitimer un voyage pour quelqu’un qui achète à distance elle ne remplacera jamais une immersion dans les lieux pour acter un achat.
Pour ce qui est de remplacer l’agent immobilier, certains particuliers qui vendent leur bien sur Leboncoin, s’en passent déjà. L’agent immobilier n’est pas indispensable depuis que la communication de masse a été rendue accessible à tout un chacun. On parle là d’une évolution datant de la fin du siècle dernier et dont tout le monde a su s’accommoder.
L’agent immobilier et le particulier cohabitent sur le marché formant une saine concurrence en un sens.
Beaucoup de gens sont plus confortables à l’idée de travailler avec un agent qui va offrir un service. Beaucoup d’autres sont à l’aise dans la transaction et disponibles pour réaliser les visites. Sur ce point, on ne reviendra pas en arrière. C’est acquis. Mais quand certains vendent leur voiture via un garage, d’autres mettent des feuilles sur leur vitre arrière avec leur numéro de téléphone, et quand certains vont au restaurant d’autres préfèrent recevoir à la maison. La liberté sort gagnante de cette évolution.
Au final, tout métier est sensé évoluer, progresser, muer que ce soit par les hommes ou par les outils.
On promet a l’immobilier un avenir de tablettes numériques et de nouvelles technologies qui me laisse dubitatif. Alors certes, je ne suis pas un jeune loup, je ne suis pas né avec un device connecté à la main. Mais je suis de nature curieuse.
Comment peut on intégrer dans l’immobilier des technologies qui ne sont pas adaptées à chacun, à chaque marché?
Mais alors que l’on parle de maison connectée, de « shared Housing » et de « crowdfunding« , je pense que l’on n’est pas prêts de voir des robots notaires et des acquéreurs hologrammés dans un domaine où l’humain est central. La transaction d’une maison de famille ou d’un studio dans les villes de moyenne importance démographique ou même dans des villages ne justifiera pas, en tous les cas pas dans les prochaines années que l’on mobilise une technologie de pointe. Alors qu’Airbnb ou Uber ont des marchés mondiaux, l’immobilier est un modèle très disparate à conceptualiser selon chaque pays, et même parfois chaque région quand ce n’est pas chaque personne. Seul l’humain aujourd’hui est capable d’un tel discernement, d’une telle finesse, d’une telle… Humanité finalement.
Alors certes ce billet n’a pas pour vocation d’apporter une réponse à un problème en mouvement. Je n’ai pas de boule de cristal, et à vrai dire, en tant qu’entrepreneur je trouve exaltante l’idée que demain est à construire. Beaucoup de gens agitent l’épouvantail du changement, alors que le changement est un mal nécessaire. Mais il faut savoir admettre avec humilité que l’on a tous des limites, à l’image de ce pro de l’investissement aux US qui a accepté que sa conversation, dans laquelle il refuse de prendre des parts dans Airbn’b soit publiée.
Les réseaux de mandataires, comme les agences doivent rester sur le qui-vive et ne pas louper le coche des prochains virages technologiques; Celui qui souhaite rejoindre un réseau aujourd’hui devra analyser la pertinence de celui-ci, et sa capacité à s’engager durablement à la fois dans l’humain et dans l’innovation.
Je finirais en vous invitant à taper immobilier dans l’AppStore de votre smartphone, les idées ne sont pas ce qui manque, il y a plus de 1500 applications en lien plus ou moins avec l’immobilier. Mais ce sont au mieux des applications liées à des marques, au pire des applications basées sur de la théorie.
(Et comme on dit, un jour j’irais vivre en théorie, parce qu’en théorie tout va bien se passer 🙂
Ce n’est pas demain que ce corps de ferme à retaper entièrement, dans la campagne française, se vendra via une appli pensée et mise en oeuvre dans la Silicon Valley. Mais peut-être un jour… Bientôt…
Stéphane ESCOBOSSA
Directeur Général de la société Dr House Immo, réseau de mandataires indépendants en immobilier et d’agences.
* Explication du titre, en rapport avec l’hymne national allemand et la signification du mot uber en allemand (uber = sur, dessus)