Les prix de l’immobilier baissent pour de bon

(Source)

Avec des taux de crédit au plus bas depuis les années 40 et des prix qui reculent, le moment est bien choisi pour s’intéresser à la pierre. Sur le terrain, les négociations vont bon train.

Ils attendaient depuis deux ans, reportaient leurs projets immobiliers dans l’espoir d’une meilleure visibilité. Aujourd’hui, les Français semblent regarder d’un œil neuf le marché. Depuis la rentrée, les agents immobiliers veulent y croire. «Nous commençons à les voir revenir sur le marché, surtout à Paris», explique Thibault de Saint Vincent, le président de Barnes. «A Paris, depuis le 25 août, le marché a redémarré, les visites reprennent. Cette année, les Parisiens n’ont pas attendu le mois d’octobre comme souvent. Ils sont déjà revenus, conscients que les prix ont bien baissé et qu’ils devraient se stabiliser», explique Nathalie Garcin, la présidente du groupe Emile Garcin, pour qui les prix ont baissé de 20 % depuis trois ans sur les beaux appartements parisiens. «Avant, on ne trouvait rien en dessous de 10.000 €/m² dans le XVIe, le XVIIe ou à Neuilly-sur-Seine. Aujourd’hui, on peut acheter de beaux appartements à 8500 €/m² dans ces arrondissements et à partir de 7000 € dans de bons quartiers de Neuilly», précise-t-elle. Même analyse pour Charles-Marie Jottras, le président de Féau: «Les prix des appartements familiaux dans les beaux quartiers de Paris valent 10 % de moins qu’il y a deux ans.» «Le marché parisien bouge. Nous avons de plus en plus de demandes, mais très peu viennent d’investisseurs et de primo-accédants»,appuie Marc Foujols.

Ceux qui observent le marché depuis quelques années l’ont compris. Ils peuvent acheter à des prix attractifs tout en s’endettant à des niveaux inconnus. Aujourd’hui, un emprunteur qui a un très bon dossier peut dénicher un crédit à taux fixe de 2,10 % sur 15 ans hors assurance. «Les ménages qui sont en position d’obtenir un crédit bénéficient d’un gain de près de 20 % de leur pouvoir d’achat depuis juin 2011», calcule Sébastien de Lafond, le président de Meilleursagents.com. «Le marché se débloque doucement, beaucoup d’acheteurs en ont assez d’attendre et les vendeurs commencent à comprendre que les prix ont changé», indique Alexander Kraft, le PDG de Sotheby’s International Realty France-Monaco, qui décrit «des offres parfois agressives, 20 à 30 % en dessous du prix de présentation, non seulement des étrangers, mais aussi des Français».

Les transactions en hausse

Bien sûr, ce n’est qu’un frémissement, pas une reprise en fanfare. Après une mauvaise année 2013, le marché immobilier a encore la gueule de bois et Paris n’est pas la France. A partir d’un certain prix, qui dépend de l’endroit, les transactions ne se font toujours pas. «Les gros produits sont “scotchés”», résume Thierry Thomas, le président de l’Institut notarial de droit immobilier. «A Nantes, par exemple, au-dessus de 600.000 €, les ventes ne se font pas», explique Thierry Thomas qui s’attend à «des hausses de prix de 4 à 5 % sur les marchés les plus dynamiques cette année et à des baisses de 2 à 3 % ailleurs». Selon les notaires, le nombre de transactions a toutefois augmenté de 9 % entre le 30 juin 2013 et le 30 juin 2014. Les transactions annuelles sont encore nettement en deçà de la barre des 800.000 (les notaires ont enregistré 735.000 transactions sur cette période), mais les professionnels de l’immobilier espèrent avoir touché le fond.

Les acheteurs en position de force

Certes, la conjoncture économique n’est pas plus réconfortante qu’il y a quelques mois et le chômage élevé demeure anxiogène. Paris reste un cas à part. Dans plusieurs régions françaises, le marché est encore mou. Sébastien de Lafond pense d’ailleurs que les prix vont encore un peu baisser, le rapport de force entre acheteurs et vendeurs étant de plus en plus favorable aux acheteurs partout en France. Pourtant, on sent un léger frémissement dans l’air. Est-ce la baisse de rendement des placements financiers? L’impression que l’achat de la résidence principale demeure le premier acte de la gestion du patrimoine familial? «Acheter sa résidence principale est d’autant plus important, qu’il s’agit d’une des dernières niches fiscales en France», souligne Thibault de Saint Vincent. Ou est-ce simplement le temps qui passe et qui rend plus compliquées les solutions d’attente? Pour les professionnels de l’immobilier, en tout cas, la demande est là. «Quand le produit est au bon endroit au bon moment, les ventes se font», explique Nordine Hachémi, le PDG de Kaufman & Broad, qui a vendu à plus de 80 % un programme de maisons (à partir de 338.000 €) à Montévrain (77) près de Disney, en région parisienne, lancé mi-juin. Dans le neuf, les professionnels ont aussi compris qu’il fallait s’adapter à la demande et serrer les prix. Si la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) parle de «prix stables depuis la mi-2012», au cas par cas, des mouvements à la baisse se dessinent. «Les prix de nos nouveaux programmes sont de 4 à 5 % inférieurs à ceux d’il y a un ou deux ans, il y a des opportunités», admet François Bertière, le président de Bouygues Immobilier.

Des mesures qui vont dans le bon sens

Le plan de relance de la construction annoncé par Manuel Valls va dans le bon sens, les professionnels de l’immobilier le reconnaissent. Il donne (enfin) un cap plus rassurant, loin des combats idéologiques. Le gouvernement semble avoir pris la mesure du marasme. Il cherche à rassurer l’investisseur immobilier, à encourager la vente de terrains à bâtir, l’octroi de permis de construire et à alléger les normes de construction. Tout cela prendra du temps compte tenu de l’inertie de la «machine» immobilière, mais la direction est la bonne.Il était temps.«Les pouvoirs publics sont en train d’assécher le parc locatif privé et d’organiser une pénurie de logements à la location», mettait en garde cet été Laurent Vimont, le président de Century 21. «La loi Duflot a dégoûté les investisseurs, rappelle Thierry Thomas, pour qui la taxation des revenus fonciers limite aussi l’appétit des Français pour la pierre comme placement. «Les pouvoirs publics ont enfin pris conscience de l’ampleur de la crise qui frappe le secteur et menace gravement ses entreprises et l’emploi. Mais il faut aller plus loin», selon François Payelle, le président de la FPI, qui souhaite que l’investissement locatif entre dans le plafond de niche fiscale de 18.000 € (et non plus de 10.000 €). Il va falloir rassurer, casser la confiance est toujours plus rapide que la reconquérir. «Vouloir encadrer en 2014, c’est ignorer la réalité du marché et ses ressorts. Dans la plupart des zones tendues, les loyers sont baissiers depuis deux ans», rappelle Jean-François Buet, le président de la Fnaim, qui décrit le carcan auquel sont déjà soumis les propriétaires. «Les partisans de l’encadrement vantent les exemples étrangers, mais oublient que la condition juridique du propriétaire est là-bas autrement plus favorable, avec la faculté de reprendre son logement aisément pour convenance personnelle et une plus grande facilité à expulser en cas d’impayé et d’occupation sans titre.» D’ailleurs, Charles-Marie Jottras prévient: «Le parc locatif va diminuer à Paris.

Dans l’ancien, selon les notaires, les prix ont cédé 1,2 % en France sur un an à fin juin. Ville par ville, les variations peuvent être facialement plus importantes. Dans un marché qui se corrige, certaines évolutions peuvent parfois paraître erratiques. Ce qui compte finalement pour les acheteurs et les vendeurs, c’est de se faire l’idée la plus précise possible des prix au mètre carré pour des biens comparables et de comprendre la logique du marché. On ne juge pas de l’évolution d’un marché sur un an, mais sur plusieurs années.A force de grignotages, les prix finissent par reculer réellement. «Les prix ont baissé de près de 10 % en moyenne en trois ans, dans certains secteurs ils sont restés stables, mais dans d’autres ils ont chuté de 20 à 25 %», explique Thierry Thomas. Il est possible de trouver de beaux biens à des prix attractifs. Un exemple parmi d’autres: Patrice Besse vient de vendre une ancienne ferme fortifiée de 415 m2 restaurée et 7 ha, à 115 km au sud de Paris, 530.000 €.

La rentrée est faite d’espoirs. Les acheteurs espèrent trouver l’appartement ou la maison de leurs rêves à un prix enfin en accord avec leur budget. La baisse des prix et des taux des crédits les aidera. Les vendeurs, eux, s’ils ne sont pas trop gourmands peuvent espérer vendre assez rapidement leurs biens, puisque la demande existe. Pour que ces espoirs ne retombent pas comme un soufflé, il faudra à la fois une conjoncture économique étale (pas pire en tout cas qu’elle n’est), une vraie responsabilité des élus lors du débat parlementaire sur les mesures sur le logement et une mise en application claire. «Il ne faut pas que des incertitudes subsistent sur les modalités d’application, sinon les investisseurs attendront», prévient Jean-Philippe Bourgade, le président de Bouwfonds. La possibilité de louer à ses enfants ou à ses parents un logement acheté dans le cadre de la loi Pinel (nouveau nom de la loi Duflot!) est une avancée. «Cette possibilité avait bien fonctionné avec l’avantage fiscal Scellier. Ce sont plusieurs milliers de logements à la clé. Mais il faut que la mesure soit claire le plus rapidement possible», ajoute François Bertière. La loi de finances pour 2015 sera présentée la semaine prochaine. C’est un premier rendez-vous. Espérons que les mois qui viennent permettront au plan Valls de prendre tout son sens et ne lui couperont pas les ailes.