Ancien entrepreneur, Laurent de Cherisey consacre son énergie à aider les personnes handicapées dans le cadre de la fédération Simon de Cyrène qu’il a créée. Pour les faire cohabiter avec des jeunes qui font leur service civique dans des maisons partagées. Il raconte.
Attention fragile. C’est pour des hommes et des femmes victimes de traumatismes crâniens, d’AVC et qui sont handicapés à la suite de lésions cérébrales que Laurent de Cherisey a créé . Le regard clair, le verbe vif, il déroule ce qui fait l’homme qu’il est devenu . «J’ai 51 ans, j’ai créé des entreprises de conseil en communication et marketing, j’ai réussi le parcours classique d’un chef d’entreprise et puis en 2004, j’ai quitté le groupe Ogilvy, à qui j’avais cédé la société d’une soixantaine de consultants que j’avais créée. Je me suis épanoui à créer ma boîte, mais est-ce la seule finalité de réussite?».
Il avait alors prévu, dit-il, une nouvelle étape de vie. Parti faire le tour du monde avec son épouse journaliste et ses cinq enfants âgés alors de 5 à 12 ans, ils sont revenus avec une série de documentaires pour France 5 «Passeurs d’espoirs», le récit de rencontres avec ceux «qui ont refusé la fatalité, se battent pour la dignité humaine. Ils ont mis en œuvre cette citation de Mark Twain qui disait, “ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait.” Ce sont ces hommes et ces femmes que nous voulions donner à voir». Et ils ont été vus, entendus, grâce aux films, aux livres et aux conférences tirés de ces rencontres.
De belles histoires. Comme par exemple, celle d’un jeune Indien qui, voyant son village se désertifier, a commencé à creuser un réservoir grand comme un terrain de football pour capter l’eau de pluie. Après s’être moqués de lui, ses voisins l’ont rejoint et ils ont réussi à irriguer leur village et ses alentours. Quinze ans après, plus de 1000 villages ont suivi cet exemple et la terre y a reverdi.
Philippe Pozzo di Borgo, président d’honneur de l’association
Aujourd’hui, Laurent de Cherisey s’est engagé dans une autre aventure, caritative, celle de l’association Simon de Cyrène. Philippe Pozzo di Borgo, dont l’histoire a inspiré celle du film Intouchables en est le président d’honneur. «Comme souvent, c’est un événement dramatique personnel qui explique un parcours. Ma sœur Cécile, à 17 ans, a eu un accident de voiture alors qu’elle était passagère. J’avais 19 ans. Elle est restée huit mois dans le coma et quatre ans à l’hôpital», explique-t-il.
«Dans notre société de performance, on est tenté de se demander pourquoi on garde en vie des personnes très dépendantes. Une question qui renvoie à celle du sens de la vie. Il faut un long chemin pour faire le deuil de la vie d’avant. Toutes ces questions, on se les pose quand on passe à travers le miroir. Quelle place pour les personnes fragiles dans notre société individualiste qui valorise tant l’efficacité?», interroge-t-il.
Il a des convictions. «La personne fragile m’invite à dépasser ma peur de la différence pour oser une rencontre vraie qui donne sens à ma vie. Il y a des moments de rires, de partage qui donnent du goût à la journée. Un jour, ma mère a invité les amis de ma sœur, ceux de Garches et ceux d’avant l’accident, à préparer un repas ensemble, ça a été une expérience fondatrice, un jaillissement de joie.» Ce groupe d’amitié se développe rue de Grenelle à Paris, où depuis plus de dix ans une centaine de personnes, handicapées et valides passent quotidiennement du temps ensemble autour d’une table d’hôtes. Il dit que «c’est un endroit bouleversant», et que «la seule charité qui vaille est celle qui nous rend heureux».
Il a décidé d’aller plus loin en en construisant en centre ville des maisons partagées pour que les personnes handicapées puissent «vivre chez elles sans être seules». Chacune dispose d’un jardin et d’une pièce commune de 70 m² pour la vie partagée. Avec 6 logements de 30 m² pour les personnes handicapées et 4 de 20 m² pour des jeunes volontaires en service civique et assistants. Plus un logement mitoyen pour le responsable du lieu.
Une fois la construction financée, elle ne nécessite plus de fonds privés, les financements viennent de l’aide sociale des départements. Les premières maisons (70 logements) sont à Vanves dans les Hauts-de-Seine, d’autres ouvrent leurs portes à Angers. Mais pour construire, il faut des fonds: 100.000 € par logement de 30 m² (et 10 m² de parties communes). Les deux tiers des fonds proviennent de subventions publiques et d’emprunts que les loyers rembourseront, un tiers des fonds propres. Les capitaux sont apportés par de grandes entreprises et des donateurs privés. Jean- François Dehecq, l’ancien président de Sanofi, est l’un d’eux.
Des maisons sont en projet à Dijon, Rungis, Nantes, Marseille, Lyon, Bordeaux et Lille. Des initiatives portées par des équipes locales. «J’apporte mon expérience avec l’aide d’une équipe fédérale», indique Laurent de Cherisey. Les particuliers qui font un don ont droit à une réduction d’impôt sur le revenu ou d’ISF en donnant à la Fondation Simon de Cyrène.