Des Soeurs Dominicaines de la congrégation » Saint-Nom de Jésus » accusées de faux autour de la cession du Cours St-Thomas d’Aquin, devant la 6e chambre correctionnelle de Marseille.
La vente du Cours St-Thomas d’Aquin à un groupe immobilier a surgi mercredi devant la 6ème chambre correctionnelle de Marseille, le temps d’un renvoi à l’audience du 16 septembre prochain, un avocat étant empêché.
Cette furtive évocation révèle soudain au grand jour le renvoi en correctionnel sur citation du parquet de cinq Soeurs Dominicaines de la Congrégation toulousaine du St-Nom de Jésus ainsi qu’un clerc trésorier marseillais, accusés tous les six d’escroquerie. Les bonnes soeurs âgées de 57 à 87 ans sont convaincues avec le trésorier d’avoir forgé des faux en écritures privées - ou de les avoir pour certaines aveuglément signés - afin de forcer la vente décriée en 2012 de cette vaste bastide d’un hectare en plein coeur de Marseille à un promoteur immobilier.
Invoquant l’usure des bâtiments et l’impossibilité de mobiliser des capitaux, la prieure générale Alix-Madeleine de Bigault de Cazanove, 64 ans, au premier rang des prévenus, avait brusquement annoncé à la rentrée scolaire 2012 la fermeture définitive de cette institution marseillaise qui scolarisait depuis des décennies plus de 500 garçons et filles, de la maternelle au lycée, avec une trentaine d’enseignants. « La Congrégation et l’association propriétaire ne peuvent faire face aux lourds travaux qui seraient nécessaires pour une réhabilitation complète de l’établissement dans ses trois unités d’enseignement » justifiait la prieure dans un communiqué lu aux parents. Choqués, ceux-ci avaient aussitôt dénoncé une opération de pure spéculation immobilière. « C’est lamentable, l’appel du fric même chez les religieux ! » s’écriait l’un d’eux (LM 20 sept 2012).
L’argent qui corrompt les âmes est bien au coeur d’une intrigue pas très chrétienne. Un compromis de vente de 4 millions d’euros pour cette remarquable bastide du 18ème siècle a bien été signé avec le Groupe Nacarat qui compte y bâtir des logements. Mais une plainte pour faux en écriture privée déposée par Mme Blachère, secrétaire de l’Association pour l’Enseignement libre (AELE) et Mme Lombard sa trésorière, a conduit à l’ouverture d’une enquête. L’AELE, pourtant propriétaire de trois quarts des locaux grâce des décennies de donations, estime avoir été spoliée par ce jeu d’écritures. « Les religieuses se sont auto-convoquées sans les personnes désignées par les statuts. Elles ont pris le contrôle de l’association qui était en sommeil depuis longtemps et dans la foulée ont fait un faux procès-verbal de réunion et autorisaient la vente à 4 millions d’euros au groupe Nacarat. Le but c’était d’empocher l’argent au préjudice de l’association. C’est une escroquerie en bande organisée » n’hésite pas à dénoncer Me Jacques Mimouni, conseil de l’AELE. Le bornage téléphonique démontre que les soeurs à Toulouse n’étaient pas à Marseille pour signer les PV. Entre temps, la bastide a été inscrite aux monuments historiques (ci dessous). L’AELE se bat pour retrouver son fonctionnement et continuer d’accomplir l’oeuvre d’éducation voulue par les donateurs dans les lieux. Un temps squaté, une partie des locaux est louée à l’association de création Juxtapoz. Contacté, l’avocat de la Congrégation, Me Jean-Charles de Bellefon, n’a pas donné suite.
David COQUILLE
Un monument historique au cœur de la « colline Fongate »
Le cours St-Thomas d’Aquin occupe un vaste domaine à l’abri des regards entre le n°23 de la rue Dieudé, la rue de la Palud et la rue Fongate qui disposent également d’entrées. Ce ventre urbain est identifié comme l’ancienne bastide « Flotte de la Buzine », une demeure typiquement marseillaise encore rurale au 18ème siècle que la Ville avait inscrite au PLU comme élément remarquable de son patrimoine bastidaire.
Cest en effet sur les « collines de Fongate » qu’en 1680 l’illustre sculpteur, peintre et architecte marseillais Pierre Puget (1620-1694) fit construire sa « Villa Fongate » ou « Pavillon Puget ». En 1750, le chevalier Nicolas de Flotte de la Buzine y étendit ses propriétés. Plus tard, les Dames de la Doctrine Chrétienne y fondèrent un pensionnat pour jeunes filles. Au début du 20ème siècle, l’établissement fut rouvert par l’abbé Fouque qui doit se retourner dans sa tombe et qui en confia la direction aux Dominicaines du St-Nom de Jésus de Toulouse.
L’émoi suscité par la liquidation de l’établissement et le dépôt d’un permis de démolir ont conduit les services de l’Etat à s’opposer au projet. Le 3 janvier 2013, par arrêté du ministère de la culture, l’ancienne bastide était inscrite à l’inventaire des monuments historiques dans sa totalité, ainsi que les façades et les toitures de l’aile des communs, les anciens jardins et leurs deux portails architecturés aux grilles en ferronnerie. La bastide qu’occupait l’administration de l’école est parfaitement conservée avec ses gypseries à motifs chinois.