Le ciel était sombre, mais en dessous rien n’était triste, ce midi-là, chemin du Halage. Jenny était arrivée peu avant 9 heures à Midi Partage pour préparer la centaine de repas que distribue, gratuitement, l’association aux destins abîmés qui franchissent la porte de l’association .
Ça sentait bon. Jenny était en train de découper le rôti de porc pendant qu’André transformait 164 œufs en omelette géante. Et que Cyril, dans son bureau, consignait scrupuleusement toutes les denrées qu’il venait de récupérer du Carrefour d’Aulnoy et des Intermarché du Quesnoy et de Fresnes. « On ramène, en moyenne, 100 kilos de nourriture,indique le salarié de Midi Partage. Ça peut être des fruits, des fromages, du beurre, de tout.» Ce sont des produits aux emballages déchirés qui permettent de confectionner les 139 repas qui sont distribués, en moyenne chaque jour. « Et si on a le moindre doute sur un produit, on refuse de le prendre ! » insiste Cyril. De cette générosité, rien ne se perd. Ce que Jenny ne prend pas pour sa cuisine, Cyril le distribue l’après-midi même à d’autres associations.
Ballet des plats
Il est midi. Les SDF, les sans-papiers, les travailleurs précaires sont dans la salle commune. Dans la cuisine, Jenny et les bénévoles préparent le ballet des plats. Des pommes de terre aux lentilles, du gratin de poireaux, du taboulet, de la laitue, des tomates en salade, l’omelette, le rôti. Le melon, pour le dessert. « Il faut doser pour que tout le monde en ait assez », précise Jenny. « On essaie d’utiliser le maximum de produits frais, précise Dominique Hirson, la chef du service éducatif de l’association. On travaille aussi à utiliser de moins en moins de beurre, à préférer les huiles. »
« Quand je suis ici, je déborde d’énergie, explique Jenny derrière les fourneaux de l’association depuis une dizaine d’années. J’aime ce monde-là. Je ne me vois pas travailler ailleurs. Ici, il y a l’humain. » Elle avait l’expérience, elle a souhaité avoir un diplôme. Elle a suivi des cours du soir avec le GRETA pour obtenir son BEP.
Devant elle, les ventres aussi vides que les assiettes défilent. Elle a des mots gentils. Ils cachent leur souffrance derrière des boutades, la tête haute, parfois des sourires. « La personne que j’admire le plus, c’est mère Thérésa, c’est sœur Emmanuelle. Elles me donnent la force de continuer. » Il est 13 h 30. Les assiettes reviennent sur le comptoir. C’est l’heure du rab’. « Quand je rentre chez moi, avoue Jenny, c’est le coup de massue. »