Pierre Pisani, archéologue en chef de Toulouse Métropole a donné, mercredi dernier à l’hôtel d’Assézat, une conférence passionnante sur le thème «Découvrir Tolosa romaine». Il revient pour nous sur la création, en bord de Garonne, de cette ville nouvelle non loin du site déjà occupé par les Celtes, bien avant.
Quand et par qui fut créée Tolosa la romaine ?
Au tournant de notre ère, par l’empereur Auguste, qui est venu sur place, avec son gendre Agrippa, réorganiser les provinces gauloises, entre -15 et +15 de notre ère. C’est lui qui a défini Aquitaine, Narbonnaise, Lyonnaise et Gaule belge. Il a aussi décidé de créer des cités telles que Tolosa.
C’était à l’époque, en quelque sorte, une ville nouvelle ?
Oui, elle a la trame et la taille d’une belle ville antique. On peut penser qu’elle comptait 20 000 habitants (ce qui la plaçait parmi les grandes villes de l’époque). Le quadrillage, le plan orthogonal, est typique, qui évoque la fondation de New York, plus près de nous, avec ses rues qui se croisent à angle droit.
Le pont aqueduc et le rempart datent de la même époque ?
L’aqueduc de 8 km de long (dont la moitié était enterrée) amenait l’eau de Lardenne et du Mirail jusqu’au cœur de la rive droite en enjambant la Garonne, non loin de l’actuel Pont-Neuf, par un pont (6 à 8 m au-dessus du fleuve). Il devait aussi supporter piétons et chars. Il est construit aussi au début de notre ère. Le rempart, long de 3 km, avec ses 54 tours et ses 9 m de haut (2m40 de large), est édifié par l’empereur suivant Auguste, Tibère, entre +20 et +30 de notre ère. C’était sans doute une muraille de prestige, ostentatoire, car on se situe en pleine pax romana et les viles antiques sont alors ouvertes.
Comment expliquer que Toulouse ait si peu de vestiges visibles, à la différence de Nîmes ou Arles ?
La ville a perdu de son pouvoir et de son importance après le siège repoussé des Arabes au VIIIe siècle et la défaite des Wisigoths face aux Francs. Une période d’abandon s’est ouverte jusqu’au Moyen-Âge. Il y a eu réemploi de la ville romaine, récupération des matériaux (brique, pierre), intégration du rempart aux nouveaux édifices, construction de nouvelles maisons sur les ruines romaines devenues caves.
Toulouse, c’est un peu la technique de la lasagne ou de la tranche napolitaine ?
Oui, c’est ça (rire). Mais il y a parfois un décalage des rues nouvelles. Même si la rue Saint-Rome épouse le tracé du cardo maximus (l’axe nord sud de la ville). Pour le decumanus (l’axe ouest est croisant le maximus), on retrouve des bouts de rues romaines, aujourd’hui : rue Saint-Jean, entre Dalbade et Carmes.
On n’est pas près de trouver un vestige romain à montrer ?
Avant de faire des fouilles préventives systématiques comme aujourd’hui, on disait : on ne va rien trouver. Maintenant, on pourrait avoir de belles surprises.
Dans le cadre des Mercredis de l’archéologie du labo Traces.
Saint-Sernin
Le site de Saint-Sernin se trouvait hors la ville romaine, au-delà de la porte Nord, où a été édifié le Capitole à partir du XIIe siècle. C’était une nécropole. Un diagnostic archéologique, état des lieux préalable aux fouilles, va être effectué dans un peu plus d’un mois par les services de P. Pisani. Après, la valorisation éventuelle des vestiges mis au jour lors des fouilles dépend de la volonté politique et de la Drac.
Le chiffre : 18
Mètres >largeur des rues. Les rues romaines avaient généralement 18 m de large, de façade à façade, et celles de Tolosa dont on a trouvé la trace dans les fouilles ne dérogent pas à la règle.